Exequatur — Jugement étranger

MOTS CLEFS : Exe­qua­tur — Juge­ment étran­ger — Conven­tion de LA HAYE — ALBANIE

« A. Sur le res­pect des dis­po­si­tions de la conven­tion de la Haye du 19 octobre 1996

En l’absence de conven­tion entre la France et l’Albanie sur la recon­nais­sance et l’exécution des déci­sions de jus­tice, il convient de déter­mi­ner si un texte inter­na­tio­nal a voca­tion à s’appliquer.

L’application du règle­ment de Bruxelles II bis du 27 novembre 2003 rela­tif à la com­pé­tence, la recon­nais­sance et l’exécution des déci­sions en matière matri­mo­niale et en matière de res­pon­sa­bi­li­té paren­tale doit en effet être écar­tée dans la mesure où la déci­sion dont l’exequatur est sol­li­ci­tée n’a pas été ren­due par une juri­dic­tion d’un Etat membre de l’Union Européenne. 

Il convient de faire appli­ca­tion de la conven­tion de la Haye du 19 octobre 1996 […] 

L’article 23–1 de la conven­tion dis­pose que les mesures prises par les auto­ri­tés d’un Etat contrac­tant sont recon­nues de plein droit dans les autres Etats contractants. 

Aux termes de l’article 23–2, la recon­nais­sance peut tou­te­fois être refusée : […]. 

Il convient de véri­fier en l’espèce la réunion des condi­tions pré­cé­dem­ment énoncées. 

  • En pre­mier lieu, et concer­nant la com­pé­tence de la juri­dic­tion, il appa­raît que les juri­dic­tions alba­naises étaient bien com­pé­tentes pour connaitre de cette demande. En effet, Mme…, requé­rante, pro­duit au débat, une copie d’un titre de séjour et d’un cer­ti­fi­cat de nais­sance déli­vrés par l’OFPRA en 2016. Ain­si, il convient de rete­nir que Mme vivait avec l’enfant en Alba­nie à la date du 19 novembre 2012.
  • En second lieu, s’agissant des condi­tions pro­cé­du­rales impo­sées par le texte, il convient de rele­ver que l’enfant, âgée de 3 ans, ne pou­vait être enten­due par la juri­dic­tion ; que son père, M. … a été enten­du par le tri­bu­nal de dis­trict de Tira­na ; que les dis­po­si­tions de l’article 33, pré­voyant la consul­ta­tion des auto­ri­tés étran­gères du lieu de pla­ce­ment de l’enfant, n’étaient pas applicables.
  • Par ailleurs, les dis­po­si­tions de l’alinéa 2 ne sont pas appli­cables dans la mesure où l’Etat de la rési­dence habi­tuelle de l’enfant, à savoir la France, est par­tie à la conven­tion de la Haye. En tout état de cause, ain­si que l’indique Mme, et à la connais­sance de la pré­sente juri­dic­tion, aucune déci­sion pos­té­rieure au juge­ment dans l’exequatur est sol­li­ci­tée n’a été prise concer­nant la tutelle de l’enfant.
  • Concer­nant la der­nière condi­tion rela­tive à l’ordre public de l’Etat requis, la déci­sion du tri­bu­nal du dis­trict de Tira­na de 19 novembre 2012, qui recon­nait Mme comme ‘’res­pon­sable légal et parent accom­pa­gna­teur de l’enfant’’ doit s’entendre comme ayant confié à cette der­nière la qua­li­té de tutrice de l’enfant ain­si que cela res­sort des termes de l’article 263 du code de la famille alba­nais sur le fon­de­ment duquel la déci­sion a été ren­due, qui est le pre­mier article du cha­pitre inti­tu­lé ‘’Guar­dian­ship of minors’’. 

Il n’est pas contes­table que la situa­tion de l’enfant n’aurait pas don­né lieu en France à l’ouverture d’une tutelle dans la mesure où si sa mère est décé­dée, son père n’est pas pri­vé de l’exercice de l’autorité paren­tale au sens du texte. En effet, il ne res­sort pas de la déci­sion pénale du tri­bu­nal d’appel de Tira­na du 24 octobre 2012 que M. se soit vu pri­vé de l’exercice de l’autorité parentale. 

Pour autant, la recon­nais­sance de la déci­sion du tri­bu­nal de dis­trict du Tira­na du 19 novembre 2012 en France ne peut être consi­dé­rée comme mani­fes­te­ment contraire à l’ordre public fran­çais compte tenu de l’intérêt supé­rieur de l’enfant, qui est effec­ti­ve­ment qu’une per­sonne s’occupe de lui, le repré­sente et gère ses biens (Article 272 du code de la famille albanais). 

  1. Sur le res­pect des condi­tions de la pro­cé­dure appli­cable en droit français 

Aux termes de l’article 24 de la conven­tion de la Haye du 19 octobre 2016 […]. 

Il convient de véri­fier en espèce, si les condi­tions propres à obte­nir l’exequatur sont réunies au titre de la loi fran­çaise, Etat requis.

  • En pre­mier lieu, concer­nant la condi­tion de force de chose jugée de la déci­sion et de sa pos­sible exé­cu­tion, la déci­sion du 19 novembre 2012 porte un tam­pon au terme duquel « cette déci­sion est finale », «  Jusqu’au 9 décembre 2012, les par­ties n’ont tou­jours pas éta­blies de recours contre cette déci­sion. Fait à Tira­na le 19 décembre 2012. » Or il appa­rait qu’elle était sus­cep­tible d’un recours dans les 15 jours à comp­ter du len­de­main de sa publication. 

Le juge­ment, objet de la requête en exe­qua­tur, a été ren­du par un tri­bu­nal non membre de l’Union Euro­péenne, de telle sorte qu’il convient de véri­fier si les condi­tions posées par la juris­pru­dence […] sont réunies. 

  • Sur la com­pé­tence du tri­bu­nal étran­ger : […] les juri­dic­tions alba­naises étaient com­pé­tentes pour sta­tuer sur la demande.
  • Sur la confor­mi­té à l’ordre public inter­na­tio­nal de fond et de pro­cé­dure : […] il appa­raît, au vu des élé­ments du dos­sier que, les par­ties ont pu exer­cer cor­rec­te­ment les pré­ro­ga­tives qui leur étaient offertes […]
  • Sur l’absence de fraude à la loi […] en l’espèce, et au vu des élé­ments du dos­sier, rien ne per­met de carac­té­ri­ser la pré­sence d’une fraude à la loi.

PAR CONSÉQUENT, il convient de faire droit à la demande de Mme et de décla­rer le juge­ment ren­du le 19 novembre 2012 par le tri­bu­nal du dis­trict de Tira­na régu­lier et par consé­quent de recon­naître son oppo­sa­bi­li­té en France » (Tri­bu­nal de Grande ins­tance de Besan­çon 18 jan­vier 2018 RG n°17/01127 ; déci­sion obte­nue par le Cabi­net de Me BERTIN).