Etat civil (GUINEE) — Légalisation et authenticité — Mineur non accompagné

“Pour refu­ser de déli­vrer un titre de séjour à M. A… sur le fon­de­ment des dis­po­si­tions de l’article L. 313–15 du code de l’entrée et du séjour des étran­gers et du droit d’asile, la pré­fète de la Haute-Saône, après avoir rele­vé que l’intéressé jus­ti­fiait du carac­tère réel et sérieux d’une for­ma­tion qua­li­fiante pour l’année 2019–2020 et d’un avis favo­rable de sa struc­ture d’accueil sur son inté­gra­tion, s’est fon­dée sur les cir­cons­tances qu’il ne pou­vait jus­ti­fier de son âge, qu’il avait conser­vé des liens avec son pays d’origine et qu’il était l’auteur de troubles à l’ordre public.

Il res­sort des pièces du dos­sier qu’à l’appui de sa demande de titre de séjour, M. A… a pré­sen­té un juge­ment sup­plé­tif n° 12308 du tri­bu­nal de pre­mière ins­tance de Cona­kry II tenant lieu d’acte de nais­sance, en date du 24 mai 2018, et un extrait du registre de l’état civil de la com­mune de Rato­ma n° 2745 por­tant trans­crip­tion de ce juge­ment, en date du 21 juin 2018. Pour contes­ter l’authenticité de ces actes, la déci­sion de refus de titre de séjour en litige se fonde sur le rap­port tech­nique docu­men­taire réa­li­sé le 15 novembre 2018 par le ser­vice ter­ri­to­rial de de l’antenne cel­lule fraude docu­men­taire de la direc­tion inter­dé­par­te­men­tale de la police aux fron­tières de Pon­tar­lier. Ce rap­port conclut à l’existence de contre­fa­çons en rele­vant, outre leur impres­sion au ton­ner sur des sup­ports ordi­naires et l’apposition de cachets humides au moyen de tam­pons faci­le­ment imi­tables, que le cachet sec du tam­pon du minis­tère des affaires étran­gères dont les actes sont revê­tus aux fins de «légali­sa­tion» com­porte une faute dortho­graphe et quils nont pas été légalisés par lambas­sade et le consu­lat de France en Guinée.

Tou­te­fois, le requé­rant pro­duit un nou­veau juge­ment sup­plé­tif n° 10704 du tri­bu­nal de pre­mière ins­tance de Cona­kry II, en date du 2 sep­tembre 2020, tenant lieu d’acte de nais­sance et un extrait du registre de l’état civil de la com­mune de Rato­ma n° 4503, en date du 15 sep­tembre 2020, por­tant trans­crip­tion de cet acte. Ces docu­ments indiquent qu’il est né le 29 novembre 2001 à Cosa, com­mune de Rato­ma, ville de Cona­kry sous le patro­nyme de Thier­no A…. Les signa­tures du chef du greffe signa­taire du juge­ment et de l’officier d’état civil signa­taire de l’acte de trans­crip­tion d’état civil ont été léga­li­sées par la char­gée des affaires consu­laires au sein de l’ambassade de Gui­née en France le 19 mars 2001, laquelle était com­pé­tente pour pro­cé­der à cette for­ma­li­té en appli­ca­tion des dis­po­si­tions citées au point 6. La cir­cons­tance que cette léga­li­sa­tion soit inter­ve­nue pos­té­rieu­re­ment à la déci­sion atta­quée ne fait pas obs­tacle à ce qu’il en soit tenu compte. Par ailleurs, aucun élé­ment exté­rieur à ces actes ou tiré de ces actes eux-mêmes ne per­met de faire dou­ter de leur régu­la­ri­té et de leur authen­ti­ci­té ni de ce que les faits qui y sont décla­rés ne cor­res­pon­draient pas à la réa­li­té. Dans ces condi­tions, contrai­re­ment à ce qu’a esti­mé la pré­fète de la Haute-Saône, l’identité et en par­ti­cu­lier la date de nais­sance du requé­rant sont établis.

En second lieu, il résulte de ce qui est dit aux points pré­cé­dents que M. A…, né le 29 novembre 2001, a été confié aux ser­vices de l’aide sociale à l’enfance entre l’âge seize ans et dix-huit ans et satis­fait ain­si à la condi­tion d’âge pré­vue par l’article L. 313–15 du code de l’entrée et du séjour des étran­gers et du droit d’asile. Par ailleurs, il est constant que le requé­rant était ins­crit en CAP «main­te­nance de véhicules» au titre de lannée sco­laire 2019–2020 et jus­ti­fiait ain­si suivre depuis au moins six mois une for­ma­tion des­tinée à lui appor­ter une qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle à la date de la décision atta­quée. En outre, il résulte de ce qui est dit ci-des­sus que les actes d’état civil pro­duits par M. A… ne peuvent être regar­dés comme frau­du­leux. Par suite, le motif tiré de ce que M. A…, en ayant pré­sen­té de faux actes d’état civil, aurait eu un com­por­te­ment consti­tu­tif d’un trouble à l’ordre public n’est pas de nature à jus­ti­fier la déci­sion por­tant refus de titre de séjour liti­gieuse. Enfin, si M. A…, dont les parents sont décé­dés, a conser­vé des liens avec son demi-frère en Gui­née, les dis­po­si­tions de l’article L. 313–15 du code de l’entrée et du séjour des étran­gers et du droit d’asile n’exigent pas que le deman­deur soit iso­lé dans son pays d’origine. Dans ces condi­tions, au regard de l’ensemble de ces élé­ments, l’autorité admi­nis­tra­tive a appré­cié de façon mani­fes­te­ment erro­née la situa­tion de M. A… en refu­sant de l’admettre excep­tion­nel­le­ment au séjour.

Il résulte tout de ce qui pré­cède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens qu’il sou­lève, que M. A… est fon­dé à sou­te­nir que c’est à tort que, par le juge­ment atta­qué, le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Besan­çon a reje­té sa demande ten­dant à l’annulation de la déci­sion du 27 février 2020 par laquelle la pré­fète de la Haute-Saône a refu­sé de lui déli­vrer un titre de séjour et, par voie de consé­quence, des déci­sions conco­mi­tantes por­tant obli­ga­tion de quit­ter le ter­ri­toire, fixant le pays de des­ti­na­tion et por­tant inter­dic­tion de retour.” (CAA de NANCY, 4ème chambre, 21 juillet 2022, 20NC03219)