Responsabilité de l’Administration — Indemnisation — Refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français (annulé)
CategoriesJurisprudence
“En ce qui concerne le préjudice matériel :
- M. demande, à titre principal, à être indemnisé de la perte d’une chance sérieuse d’exercer une activité professionnelle. Toutefois, M., qui ne justifie pas qu’il exerçait une activité professionnelle à la date de l’arrêté préfectoral annulé ni qu’il a exercé une telle activité, une fois muni d’un droit au séjour et au travail, se borne à se prévaloir d’une ancienne promesse d’embauche établie le 7 mars 2015 pour un poste de façadier à temps complet disponible à compter du 2 mai 2016. Il ne justifie donc pas avoir perdu une chance sérieuse d’exercer une activité professionnelle du fait de la décision de refus de délivrance de titre de séjour intervenue le 6 mars 2018.
- M. demande, à titre subsidiaire, à être indemnisé pour l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé, en l’absence de titre de séjour, de bénéficier du revenu de solidarité active. Il ressort des dispositions combinées des articles L. 262–1 et suivants du code de l’action sociale et des familles et D. 512–1 du code de la sécurité sociale et des stipulations de l’article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l’Algérie, que M. pouvait percevoir le revenu de solidarité active à la seule condition qu’il soit titulaire d’un certificat de résidence algérien l’autorisant à exercer une activité professionnelle, sans que lui soit opposable la condition de détention d’un tel titre pendant une durée de cinq ans. M. est donc fondé à solliciter l’indemnisation du préjudice financier subi au titre de la perte des droits au revenu de solidarité active entre les mois de mars 2018 et d’octobre 2019, l’autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de deux mois à compter du mois d’août 2019 ne figurant pas parmi les titres de séjour susceptibles de lui ouvrir droit au revenu de solidarité active en application de l’article D. 512–1 du code de la sécurité sociale. Il sera fait une juste appréciation de la perte des droits au revenu de solidarité active durant cette période en lui allouant la somme de 10 515,08 euros.
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence :
- M. soutient que la délivrance, le temps de l’instruction de sa demande, d’une simple autorisation provisoire de séjour sans droit au travail, sa convocation devant les services de la police aux frontières pour qu’il justifie de l’ancienneté de son séjour en France, la décision lui refusant un titre de séjour, qui est intervenue alors qu’il pensait avoir droit à un titre de séjour et l’obligation de quitter le territoire français, qui l’a placé sous la menace d’un éloignement du territoire français, ont généré une angoisse et eu des répercussions psychologiques qui ont nécessité la prise d’anxiolytiques. Mais, d’une part, M. ne peut pas utilement se prévaloir d’éventuels préjudices liés à la procédure préalable à la décision illégale et, d’autre part, il résulte de l’instruction que M. a séjourné en France irrégulièrement durant plus de dix ans avant de solliciter un droit au séjour et est donc resté, durant toute cette période, sous la menace d’un éloignement du territoire français. Il n’établit en outre pas, par l’attestation rédigée le 13 juillet 2019, par laquelle un médecin généraliste certifie le suivre en consultation et lui avoir prescrit à de nombreuses reprises un traitement contre le stress sans préciser depuis quelle date, que son état psychologique trouverait son origine directe et certaine dans le refus illégal de titre de séjour. Compte tenu des perturbations subies par M., qui a été maintenu dans une situation incertaine au regard du droit au séjour durant plus d’un an, il sera fait une juste appréciation des troubles dans ses conditions d’existence et de son préjudice moral en lui allouant la somme de 200 euros.” (3. TA de Besançon n°1902156, 1er décembre 2020 — décision obtenue par le Cabinet).